L'armoise commune - Artemisia vulgaris - d'avant-hier à aujourd'hui

L'armoise commune - Artemisia vulgaris - d'avant-hier à aujourd'hui

Ce texte est extrait d’un ouvrage en préparation, une analyse de l’Arbolayre, le premier ouvrage sur les plantes médicinales imprimé en langue française en 1485. Les astérisques renvoient à un futur glossaire. Le texte en gras italique est le texte du livre repris et "mis en forme" pour qu'il puisse être compréhensible au lecteur du XXIe siècle. En fin de document, nous reproduisons le texte initial.

Pour l’herboriste d’aujourd’hui :

Description

L’armoise commune est une plante vivace, abondante dans biens des contrées de l’hémisphère Nord. Elle marque sa présence aux abords des villages, dans les décombres, sur les zones alluvionnaires. Sa tige élancée développe des feuilles très découpées, vertes sur le dessus, virant au blanc en dessous. Ses fleurs sont groupées en petits capitules (2 à 4 mm). C’est une plante qui a été très prisée par les Anciens, et fort estimée par les thérapeutes de la renaissance (XVIe) et aux siècles suivants. La médecine populaire utilise ses feuilles et ses racines pour ses vertus toniques digestive, stomachique*, anti-ictérique* et vermifuge*, et enfin et surtout pour son effet antispasmodique et emménagogue*.

Classification, répartition, écologie

Les Artemisia sont un groupe très diversifié de la famille des Asteracées (anciennement les Composées). On dénombre aujourd’hui en Europe 55 espèces, et 350 réparties dans tout l’hémisphère Nord.
Artemisia vulgaris est répandue sur tout l’hémisphère Nord. Elle est très commune, du fait qu’elle recherche les sols riches en nitrates. Elle reste par contre cantonnée aux plaines et à la moyenne montagne. Elle est parfois confondue avec l’Armoise champêtre (Artemisia campestris), qui possède aussi les mêmes vertus médicinales, d’après certains auteurs, alors que d’autres soulignent qu’elle ne possède pas de vertus.

De même, elle est souvent confondue avec l’Armoise de Verlot (Artemisia verlotiorum), dont le biotope et les critères morphologiques sont très proches. Cette dernière est une plante invasive, qui vient de Chine, apparue il y a plus de 150 ans en France, dans les Alpes. Elle s’est répandue depuis sur nombre de contrées européennes.

Histoire
Les premières preuves d’utilisation de cette plante sont difficiles à tracer d’après les anciens écrits : de l’Égypte ancienne aux temps de Rome, il est fort probable que plusieurs espèces d’Artemisia ont été décrites et la confusion possible entre elles, notamment l’absinthe (Artemisia absinthium) ou l’armoise blanche (Artemisia herba alba).
En Europe, au moyen-Âge, la preuve de l’utilisation de l’armoise commune est plus fiable : on a dès le XIe siècle un écrit sous forme d’un poème de Odon de Meung, le Macer Floridus. Ce texte latin décrit l’armoise dans son premier chapitre. Par la suite, c’est d’abord sa racine qui est reconnue fortifiante nerveuse. C’est donc contre l’épilepsie, les névralgies, les vomissements qu’elle fut d’abord employée. On la conseille jusque face à la danse de la Saint Guy, une sorte de danse hystérique incontrôlable, souvent collective, qui spontanément se rencontrait de ci de là dans les pays d’Europe, du XIIe au XVIIIe siècle. Paracelse s’intéressa de près à ce phénomène pour lequel il dénonça tout lien religieux.
Certains auteurs citent un brin trop brièvement les vertus de l’armoise sur le système reproducteur féminin : on remarque que ce sont souvent des messieurs… En effet, la première vertu attribuée à l’armoise commune est son action fortifiante et régulatrice des cycles féminins dans nombre d’ouvrages qui rapportent les usages de cette plante dans les campagnes. La feuille est préparée sous forme d’infusion, d’emplâtres, de vin macéré, d’alcoolature. La plante étant souvent recueillie fraîche, parfois des contre indications sur l’utilisation prolongée ou à doses trop fortes sont précisées.
Son nom, évocateur de la déesse Artemis, sous-entend la symbolique de cette Diane chasseresse, protectrice des femmes, des vierges et des accouchements. Dans la mythologie Grecque, Artemis a un frère jumeau, Apollon. Si ce dernier est souvent associé au Soleil, c’est aussi pour bien marquer l’attache d’Artemis à la lune. Or, la science a prouvé que la rotation de cet astre influence subtilement les commandes hypophysaires du cycle menstruel chez la femme.

Codex herboristique
On utilise, dans l’armoise commune, la partie aérienne et la racine. On préconise pour la première de la récolter avant la floraison, pour la seconde d’attendre l’automne. On peut utiliser tiges, feuilles et sommités fleuries ensemble ou au contraire ne retenir que les feuilles. Deux cas de figure sont possibles alors : utiliser la plante fraîche ou préalablement séchée. Dans le premier cas, il faut avoir en tête que l’armoise contient des cétones et que la concentration de ces éléments volatils sera plus concentrée. C’est pourquoi je conseille, si cela est possible, de privilégier un temps de séchage de la plante afin de réduire la teneur de l’huile essentielle. Sauf si c’est le parfum qui est recherché…
Pour ma part, j’ai toujours utilisé la feuille sous la forme sèche, et comme ingrédient majeur dans les tisanes à visée régulatrice hormonale. Je l’ai rarement conseillé seule.
De même, je n’ai aucun recul quant à la racine, que je n’ai jamais vu dans les catalogues des ramasseurs, grossistes ou importateurs de plantes.

Intérêt pour la santé
Tous les recours avec les feuilles d’armoise, en vue de réguler les cycles féminins, se sont avérés concluants. Trop souvent les troubles hormonaux des cycles chez la femme sont décrits à travers un panel d’expressions qui peuvent cloisonner la compréhension du problème : aménorrhée, hypoménorrhée, dysménorrhée, polyménorrhée, hyperménorrhée, ménorragie, métrorragie, syndrome prémenstruel… Bien sûr, ces mots renvoient à des définitions précises et cohérentes, mais il faut éviter de regarder l’arbre qui cache la forêt… Car derrière le cycle féminin et toute sa complexité, il faut aussi s’intéresser à l’ensemble des équilibres physiologiques de l’organisme, et pourquoi pas aborder même l’aspect psychique… Car l’armoise agit par un ensemble d’actions polyvalentes sur plusieurs organes et sur plusieurs fonctions. C’est ce panel d’actions qui explique son effet global qui, en approche cloisonnée, paraît simpliste, basique, quelconque. On classerait vite l’armoise dans les plantes de second ordre...
L’armoise agit sur le foie. Elle agit sur l’hypophyse. Elle a aussi une action sur le système nerveux autonome. Elle stimule les sécrétions. Elle améliore aussi la fluidité sanguine. Ce sont ces effets combinés qui permettent à l’organisme de retrouver la santé au sens même de la célèbre définition de l’OMS : « La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité ». Concluons ce paragraphe en traduisant ainsi l’expression qu’avec l’armoise, la santé d’une femme, entre la puberté et la ménopause, sera un état de bien-être physique, mental et même social, et ne se bornera pas à juste faire disparaître un syndrome prémenstruel…

Commentaires sur l’Arbolayre :


Arthémisia c’est l’armoise. Il en existe trois sortes : la grande, la moyenne et la petite. Nous parlerons maintenant de la grande. Elle est chaude et sèche au troisième degré et est appelée la mère des herbes.L’armoise commune est donc la grande armoise au regard de l’auteur de l’Arbolayre, sachant que la moyenne décrit la tanaisie, et la petite la matricaire. Elle est annoncée comme plante chaude et sèche.Les romains l’appellent Régina, d’autres Texoter, Ephisia, Patermon, Apolises, arthimesia, Succosa, Liopas, Utropium, Ceresie, Eucacista, Tronissis, Bubastes, Ostancepon, Emoromi, Gomosestus, Philaterion, Serusa, les égyptiens l’appellent Alsabasar, d’autres Texobolus ou Canopacia.


La diversité des noms donnés à l’Armoise et cités dans l’Arbolayre laissent entendre clairement l’importance des cette plante dans le passé.
Elle croit dans les lieux sablonneux et en montagne, mais aussi dans les jardins. Elle a des feuilles tirant sur le blanc, longues et ressemblant au chanvre.*
En médecine ce sont les feuilles et les fleurs qui comptent, plus que la racine, et plutôt la verte que la sèche. On peut la conserver un an.
Platearius nous indique l’importance de récolter la feuille, mais ne relève pas l’originalité de cette dernière : verte dessus et blanc dessous. De même qu’il ne nous renseigne pas sur la date idéale de récolte. On peut en déduire qu’il n’y a pas de date précise et que sa feuille peut se récolter durant toute la saison estivale.

Elle vaut contre la stérilité des femmes, mais quand elle est causée de sécheresse elle est nocive. On le reconnaît à la complexion de la femme, si elle est grasse ou maigre.
On doit mettre l’armoise en poudre avec la racine d’une herbe appelée bistorte et de la noix de muscade en quantité égale et confire dans du miel simple en manière d’électuaire et donner soir et matin avec une décoction d’armoise.
Mais il est plus profitable de faire un bain dans l’eau où a cuit l’armoise et des feuilles de laurier, ou de faire une fomentation* de cette décoction sur la matrice. Une décoction d’armoise cuite dans une huile commune ou dans une huile de noix est aussi valable.
Pour provoquer les règles retenues faire un pessaire* de jus d’armoises ou de l’eau dans lequel elle aura cuit.

La première vertu citée est à propos de la stérilité. D’entrée, cela confirme que l’armoise est une plante fortifiante, intéressante pour la jeune fille qui tarde à être réglée, sauf peut-être face à l’anorexie.

Contre l’inflammation de l’anus dû à l’envie de déféquer sans effet (« tenesme et esprainson »), de cause froide, le patient doit recevoir dessus la fumée de colophane posée sur des charbons. Chauffer ensuite de l’armoise sur une tuile, la poser chaude sur une pierre de moulin et faire asseoir le patient dessus. Ceci est prouvé. 
Contre les glandes qui apparaissent près du fondement (hémorroïdes), les ouvrir d’abord avec une lancette, puis y mettre de la poudre d’armoise et de marrube.
Contre les maux de tête appelé migraine ou céphalée, donner une préparation à base d’opium, chaude, avec la décoction d’armoise.
Macer dit que, qui la portera sur soi, en chemin, ne fatiguera pas.

Elle vaut aussi contre les mauvaises pensées et détourne les yeux du mal, et chasse toutes diableries.

La constipation chronique, ici décrite, et son remède à partir du colophane (issu du pin) reste étrange à mes yeux. Peut-être y voir ici l’action fortifiante nerveuse sur le système neurovégétatif de la part de l‘armoise. C’est ce qu’on pourrait aussi déduire face aux migraines. On note que globalement, elle est déjà décrite comme fortifiant général, et agit face aux pensées négatives…

Contre la douleur de ventre, l’armoise pilée et mise dessus ôte merveilleusement la douleur.
Contre les douleurs intestinales, boire de l’armoise, mise en poudre, avec du miel.
Elle vaut contre beaucoup d’autres maladies, comme le dit Macer.
Pour provoquer les menstruations, cuire l’armoise dans de l’eau et la donner à boire. Ou recevoir sa fumée par-dessous.
Boire souvent du vin dans lequel elle aura cuit, empêche les femmes d’accoucher avant le terme, ainsi que l’herbe broyée mise toute la nuit sur le nombril.
Broyée et mise sur la matrice elle ramollit toute dureté et gonflement.
On l’appelle arthemesia monodos.

D’autres galénique de l’armoise sont proposées ici. Elles se réfèrent encore à une action gynécologique. C’est dire l’importance de cette plante pour les femmes.



Perspectives :


On ne peut pas adhérer aux écrits de l’abbé Fournier, qui, dans son livre « plantes médicinales et vénéneuses de France » considéré par bien des érudits comme une synthèse éclairée, insiste sur la racine plutôt que la feuille, et dédaigne cette dernière…
Bien au contraire, il faut voir aujourd’hui la feuille d’armoise comme une sorte de clé permettant un équilibre dynamique de la santé féminine. Avec une approche globale des soins et des conseils, l’armoise se placera au cœur même de la résolution des problèmes, que ce soit en phase de puberté, lors de la vie reproductive d’une femme, ou à l’approche de la ménopause.
On ne peut que faire un clin d’œil à la théorie des signatures devant la couleur verte très marquée du dessus de la feuille qui contraste avec le dessous blanc… et son action rythmique sur les cycles, en les calant sur celui de la lune.
Je renverrai bientôt le lecteur vers un autre texte en préparation, à propos de l’armoise et de son intérêt majeur face à une maladie qui se développe aujourd’hui dans notre société : l'endométriose…

 

Texte initial :

De arthemesia
Arthemya.cest armoise.y.en est en trois manieres.cest assavoir le grande.la moienne.et la mendre.mais maitenant voulons parler de la grande.elle est chaulde et seiche au tier degre.et est aultrement appellee le mere des herbes.les romains lappellent regina. Les aultres texoter. Les aultres ephisia. Les aultres patermon.les aultres apolifes. Les aultres arthimesia.les aultres succosa.les aultres liopas.les aultres utropium.les aultres ceresie.les aultres eucacista.les aultres tronissis.les aultres bubastes.les aultres ostancepon.les aultres emoromi.les aultres gomosestus.les aultres philaterion. Les aultres serusa.les egyptiens lappellent alsabasar.les aultres texobolus.les aultres canopacia.
Elle croit es lieux sabloneux.et en montaignes.et aussi es iardins.elle a feulles tirans a blanc et longues de telle figure comme chaine. De ceste armoise les feulles et les fleurs competent en medicine.et plus que la racine et vault mieulx la verde que la seiche. Si la peut on garder par ung an en bonte.
Elle vault contre sterilite ou brehaingnete de femme quant elle est causee de seichetee.elle y nuyst.et peut on asses cognoitre quant elle est causee de lung ou de laultre par la complexion de la femme. Et selle est graice ou maigre.et soit donnee en ceste manière. On doit mettre armoise en pouldre.avec la racine dune herbe appellee bistorte et avec noix miguette et soient en une mesme quantite.puis soyent confite avec miel simple.en manière de electuaire.et soyt donner a seic et a matin avec decoction darmoise.mais encoire plus proffite ad ce faire baing en eaue ou a cuyt armoise.feulles de lorier.ou que on fasse fomentation sus la partie de la matrice.de celle decoction a ce vault celle decoction armoise cuyte en huile commune.ou en huile de noix.
Pour faire courre les fleurs retenues es femmes.soit fait pessaire de ius darmoise.ou de leaue ou elle ara cuyt et mys leans.
Contre tenasmon ou esprainson causee de froidure recoyve le patient ou fondement fumee de colophoyne mise sus les charbons.puis apres soit chaufee armoise sus une tieulle aussi chaude soit mise sus une pierre de molin.et sesie le patient sus.cest chouse esprouee.
Contre glandes qui vienent pres de fondement.que on appelle atrices.soient premierement ouvertes avec la flamette.puis soit mise sus la pouldre darmoise.et de marubium.
Contre la douleur du chief appellee emigraine ou cephale soit donnee aucune epiate chaulde.avec la decoction darmoise dit macer que qui la portera sur soy a chemin.il ne traveillera point.encoire vault elle contre malvaise pensee et destourne les yeulx de mal. Et toutte dyablerie sen fuent de lieu ou elle est.
Contre le doleur de ventre armoise pilee et mise sus.oste merveilleusement la douleur.
Contre la douleur des boyaux.armoise mise en pouldre.et beue avec mielton oste merveilleusement la douleur.et vault moult daultres enfirmites comme dit macer.
Pour ouvrir les fleurs aux femmes cuys armoise en eaue et soit donnee a boire.
Item la fumee faite delle provoque les fleurs qui recoit par dessoubz.
Item le vin ou elle a este cuyt.souvent beue.ne lesse point les femmes avorter devant le temps. Et aussi fait lerbe broye.myse par nuyt sus le nombril.
Item aussi broye mise sus la matrice elle espart ou amollie toutte durte ou inflation qui y est.et moult daultres choses fait.et est assavoir que on lapelle artemesia monodos.

Commentaires

  • Publié par Offret Véronique le

    Très intéressant! Merci pour ce travail formidable! J’attends avec impatience la suite….

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